"Janus" Spring 1967

Un Paysage - A. Szepesy (VI)

JE VOIS UN PAYSAGE, un paysage bleu et vide et infini. C'est d'un bleu profond mais un bleu qui possède une charme vivante et étrange. En le regardant, j'aperçois un petit point d'argent qui flamboie dans la profondeur du bleu. Dans le cortège de ce point jaillit une raie vapoureuse et blanche qui grandit pour enfin disparaître dans le bleu éternal du ciel d'été.

Aprés la tombée de la nuit on voit beaucoup de points d'argent, mais ils ne flamboient pas avec la grace rapide de l'autre: ils étincellent tranquilles et d'une lumière qui ne change depuis des siècles. Il y a aussi une grande balle d'or qui sourit bénigne sur le monde endormi, C'est la nuit, mais elle est tranquille, d'une chaleur délicieuse et vivante, vraiment une des nuits d'été faites particulièrement pour les amoureux.

Le vent est formidable, et les grands nuages, gris et déchiquetés, courent devant lui, tout comme les petites feuilles rouges et brunes et ratatinées qui avaient dansé en automne. Il fait froid et le soleil se cache dans l'épaule des nuages devant les yeux des gens gelés. Il fait froid, il gèle, il neige: c'est l'hiver.

Les étoiles étincellent par intervalles, c'est que les nuages courent devant le vent encore, comme s'ils doivent faire le tour du monde avant le retour du soleil. Il gèle, et le ciel est dur et ennemi, et dans la nuit les nuages ont une teinte bleue et sombre. Les seuls habitants du ciel sont les étoiles; les dieux dorment depuis bien des siècles, et le ciel est le ciel gelé et désolé de la nuit d'hiver.